quinta-feira, 24 de maio de 2018

Maio de 68 - 50 anos (11) - crónica

24 de Maio
Na encruzilhada...



La France manifeste. Paysans, ouvriers, étudiants, le plus souvent en cortèges séparés, toutes les villes de province sont en marche. A Paris, la CGT organise deux défilés, rive gauche et rive droite, qui se veulent des démonstrations de responsabilité et se refusent à rejoindre les étudiants. Ils se dispersent dans le calme. A partir de 17h30, étudiants et jeunes travailleurs se regroupent dans la capitale. Différents rassemblements convergent vers la gare de Lyon . Ils sont vingt, trente mille. Ils sont «tous des juifs allemands». Les plus résolus cachent des manches de pioche sous leurs blousons aux poches lourdes de projectiles. L'esplanade déborde de monde. Les organisateurs tentent de négocier une sortie vers les Grands Boulevards, c'est non. Les CRS s'avancent pour dégager la voie publique. En queue de cortège, les transistors retransmettent à 20 heures le discours promis par le général de Gaulle: «J'ai décidé de soumettre aux suffrages de la nation un projet de loi par lequel je lui demande de donner à l'Etat, et d'abord à son chef, un mandat pour la rénovation ["]. Au cas où votre réponse serait non, il va de soi que je n'assumerais pas plus longtemps ma fonction.» Il est accueilli par des «On s'en fout!» et des «Adieu, de Gaulle!» Pierre Mendès France réagit: «Un plébiscite, cela ne se discute pas, cela se combat. Dès maintenant le peuple a déjà répondu non.» L'allocution du général de Gaulle déçoit tout le monde jusque dans son camp (sauf la télévision cubaine qui la juge «remarquable, tant par ce qu'il a dit que par ce qu'il a tu»).

Le discours achevé, des barricades s'élèvent autour de la Bastille. Premières charges, premières blessures. Des officiers de CRS arrêtent les ambulances et en arrachent les blessés pour les fouiller violemment sur la chaussée. Vers 22 heures, le quartier de la Bastille est repris, les manifestants se mettent en marche vers la Bourse. Malgré le mot d'ordre de l'Unef, le bâtiment, qui n'est pas protégé, est pris d'assaut à coups de madrier. C'est la ruée, la corbeille est mise à sac. Pendant un quart d'heure, le palais Brongniart est en flammes. 22h45, débandade.

A 23h30, regroupement général au Quartier latin. On érige des barricades, l'organisation des secours prend le pas sur le débat idéologique, l'atmosphère est tendue, fébrile, résolue. A 0h30, le commissariat du Ve, au Panthéon, est lapidé, un car de police incendié.

Les CRS déclenchent une attaque frontale boulevard Saint-Michel. Tirs tendus de grenades lacrymogènes, les six barricades sautent, aussitôt déblayées par le bulldozer qui suit les escadrons. Mendès France se rend sur place. Le cardinal Marty vient au milieu de la nuit réconforter les blessés. La résistance s'organise en petits barrages jusque sur la rive droite. Le poste de police des Archives, rue Beaubourg, est saccagé, et son mobilier aussitôt élevé en barricades. La police s'énerve sur les isolés; ni le brassard de presse ni celui de la Croix-Rouge ne permettent d'éviter les coups. 795 interpellations, dont 80 femmes, 45 arrestations maintenues; 456 personnes reçoivent des soins dans les hôpitaux, 178 restent hospitalisées, dont 2 policiers. Philippe Mathérion, 26 ans, qui manifestait avec les étudiants, a été admis mort à l'hôpital Cochin au cours de la nuit. Il a été poignardé, probablement au cours d'une rixe entre manifestants. A Lyon, le commissaire Lacroix a été tué en tentant d'arrêter un camion lancé contre les forces de l'ordre.

Cet après-midi, Paris a la gueule de bois. Depuis 15 heures, rue de Grenelle, au ministère des Affaires sociales, tous les partenaires sociaux sont réunis pour négocier un accord qui mettrait fin à la crise. Les Parisiens sont partis en week-end, on trouve de l'essence au marché noir pour 3 francs le litre. Les autres peuvent toujours s'abonner au Monde des philatélistes, pour 12 francs par an (spécimen sur demande).



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